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il y a 2 ans
Quand il rentrait chez lui avec de mauvaises notes, devait s'habiller en fille.
Ma triste histoire... Je suis née en 1930 dans une famille bourgeoise, pudibonde, janséniste... fanatiquement catholique et c'est pour cela que j'ai tant souffert car dès ma plus tendre enfance, je pleurais le soir dans mon lit de ne pas être une fille comme ma soeur dont je mettais les robes en cachette.
Au collège, alors que j'avais sept ou huit ans, je me suis lié d'amitié avec un garçon de ma classe qui, quand il rentrait chez lui avec de mauvaises notes, devait s'habiller en fille (punition très fréquente à l'époque) avant de recevoir le martinet, le soir, en guise de dessert et il devait rester "enjuponné" jusqu'à ce qu'il revienne avec un bon bulletin.
Un samedi, alors que sa maman m'avait invitée à passer le week-end, il avait reçu un mauvais bulletin et avant même de se mettre à table, il avait dû aller se changer et est revenu tout rouge de honte. J'ai failli me mettre à pleurer... d'envie et dès que nous fûmes seules, je l'ai embrassé... mais sans oser lui avouer combien, malgré la peur du martinet, j'aurais voulu être à sa place.
Le soir quand nous sommes allés nous coucher, sa maman est entrée dans notre chambre munie de ce terribel "accessoire pédagogique" qui a fait frémir toutes les gamines de ma génération et, après lui avoir dit de se mettre en combinaison, toutes les petites filles en portaient alors en "broderie anglaise", elle lui a administré une solide fessée mais, tout aussitôt après, sa maman l'a pris dans ses bras, a essuyé ses larmes et l'a consolé avec encore plus de tendresse qu'elle avait mis de sévérité à le punir.
J'aurais donné dix ans de ma vie pour être à sa place, surtout quand je l'ai vu revenir de la salle de bain vêtue d'une chemise de nuit en fin coton. Jamais je n'oublierai ce week end qui a marqué toute ma vie.
Quant à mon calvaire personnel il a duré toute ma vie lui aussi, sauf pendant près d'un mois quand, à dix-sept ans, je suis partie pendant les grandes vacances en Angleterre. Grâce au British Council, mes parents avaient trouvé une ancienne institutrice qui prenait en pension un élève étranger pour lui permettre de perfectionner son anglais. Alors qu'elle m'avait dit partir toute l'après-midi, j'en en profité mettre une vieille robe de ma soeur que j'avais cachées dans ma valise.
Ce qui devait arriver arriva, cette dame rentra plus tôt que prévu et me surpris dans ma chambre... au premier instant, j'ai cru qu'elle sa fâcherait, préviendrait mes parents, me renverrait chez moi, mais toutes ces idées qui se bousculèrent dans me tête en une fraction de seconde se trouvèrent immédiatement balayées par son sourire "Oh, you are a very pretty girl, my Dear !" et je me suis jetée dans ses bras en pleurant comme une madeleine.
Elle était la première personne à découvrir ce que j'étais et je lui ai avoué toute ma triste histoire. Je lui dis, ce qui était vrai, combien j'aurais voulu être élevée en Angleterre comme toutes ces a d o l e s c e n t e s bien sages qui étaient mon idéal féminin.
Loin de me rejeter, elle m'a dit que des milliers de personnes étaient comme moi, que pendant mon séjour elle m'élèverait comme une fille et pendant un mois j'ai vécu chez elle la seule période ma vie où j'ai été totalement heureuse bien que, par deux fois, elle m'ait corrigée sévèrement pour ne pas avoir appris mes leçons convenablement.
Rentrée chez mes parents, ma vie, ou plutôt mon calvaire reprit de plus belle car je savais qu'il existait sur la terre des personnes qui m'aurait acceptée et que tout mon drame provenait d'avoir si mal choisi mon berceau ! Ce drame tourna à la tragédie quand, quelques mois plus tard, je lus dans mon missel que "l'homme qui s'habille en femme, est une abomination pour le Seigneur".
Catholique comme je l'étais, j'ai vécu des moments atroces jusqu'à ce que j'aille me confesser dans une église, loin de chez moi. Le prêtre me réconforta et me dit que cela me passerait quand je me marierais. Etait-il de bonne foi ? Quand on sait ce qu'était l'Eglise Catholique de l'époque, ce n'est pas impossible ! Mais mon calvaire ne s'est pas atténué pour autant car, même marié, je n'ai jamais fait l'amour sans vouloir être...ma femme !
Mille et une fois j'ai mis ses affaires en cachette... et la tentation était d'autant plus grande que la mode des années '50 avec ses "tailles de guêpes", ses jupes larges en dessous desquelles nous superposions nos jupons était la mode la plus féminine que nous ayons connue depuis la Guerre.
Mille et une fois j'ai été me confesser, ah ce que j'ai pu être c... dans ma vie !
Puis vint le Concile de Vatican II, j'ai perdu la Foi comme d'innombrables Catholiques, mais pour rien au monde je ne voudrais divorcer car je n'ai rien à reprocher à ma femme, si ce n'est de ne pas accepter ma transsexualité que j'ai fini par lui avouer, mais élevée comme elle l'a été et ignorant tout de mon drame quand nous nous sommes fiancés. Vomment aurais-je le droit de lui en vouloir ? A-t-on le droit de bâtir son bonheur, si légitime soit-il, sur le malheur de qui que ce soit et, à fortiori, sur celui de sa femme ? J'ai aujourd'hui 66 ans, je continue à me traîner dans la vie avec toujours ce même boulet aux pieds lequel est d'autant plus lourd que personne n'en devine l'existence.
Si je te raconte tout cela, chère Isabelle, c'est pour te dire combien la transsexualité peut être la source d'un véritable calvaire et pour que tu comprennes tout le bien que peut faire ta page web pour nous aider et aider toutes nos jeunes petites "soeurs". C'est pour les aider que nous devons faire connaître ce drame, que nous devons expliquer que tous les travestis ne sont pas des p... ou des vicieux et que, pour autant qu'elles fassent preuve de discrétion et de tact, elles ont le droit de vivre leur féminité sans être rejetées comme des monstres par la société.
Si j'étais veuf, je créerais d'ailleurs un mini-pensionnat pour nos soeurs, quelque soit leur âge, où je leur enseignerais les langues car, en Europe tout au moins et malgré le chômage, une fille qui connaît bien les langues peut trouver facilement du travail même si elle est transsexuelle. D'ailleurs, en Angleterre, la Royal Dutch Shell et les Bristish Railways ne leur permettent-ils pas de travailler dans des services où elle ne sont pas en contact visuel avec la clientèle ?
Et une "fille" qui s'habille discrètement et qui connaît très bien les langues ne peut-elle pas trouver du travail dans un petit bureau de traduction, dans une agence de voyage, comme téléphoniste dans un hôtel et grâce au "télé-travail", ne peut-elle pas, si elle a une très bonne formation professionnelle (comptable, etc), gagner sa vie honnêtement sans devoir être la risée de tout un chacun ?
Si d'aventure, ne fût-ce qu'une seule de nos "soeurs" en Europe avait la possibilité et le désir de créer une oeuvre comme celle-là, qu'elle ait la gentillesse de te le dire car, toutes ensembles nous pourrions aider tant et tant de nos "soeurs" à ne pas souffrir et à ne pas devoir vivre le calvaire qui n'a pas cessé d'être celui de la plupart d'entre nous.
Toujours dans le même ordre d'idée, je crois aussi ne pas être la seule à souhaiter trouver en Europe occidentale, une une de nos "soeurs", habitant une maison tranquille qui pourrait accepter, à prix coûtant, de nous recevoir, qui accepterait que nous venions passer quelques jours pour trouver enfin ce "hâvre de paix" où nous pourrions vivre notre féminité en toute discrétion et en toute amitié ? Ne pourrais-tu pas répercuter cette idée parmi nos amies ?
Chère Isabelle, je m'excuse d'avoir été si longue, mais tu ne sauras jamais combien je suis heureuse de pouvoir ouvrir mon coeur à celle qui a créé cette magnifique page, qui refuse toute vulgarité tout en nous permettant de nous exprimer et que je voudrais tant pouvoir embrasser tendrement.
Ginette
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